Maison de Dame Antoinette Coderre
Arrivée à Lanoraie en 1988, je me suis beaucoup impliquée dans les conseils d’administration de plusieurs associations et je fus notamment, présidente de l’association Antoinette Coderre. C’est en me procurant le livre de Lanoraie que j’appris d’abord à connaître ces familles qui sont devenues moins étrangères pour moi. À ce moment, j’ai cinquante ans et je suis active auprès des personnes âgées. Tout à fait par hasard, on me mentionne que dans cette maison habite une personne seule, Madame Antoinette Coderre, octogénaire. J’ai tout de suite eu le goût de la rencontrer.
C’est donc accompagné de mon garçon Mikel que je me suis présentée chez elle. Sans aucune méfiance, elle nous a ouvert sa porte toute grande. Très accueillante et avec le sourire, elle nous a invités à entrer et la jasette a commencé. Elle nous a fait visiter sa grande et jolie résidence, bien entretenue. C’est l’endroit où elle et sa famille ont vécu. Elle y avait aussi habité plusieurs années avec sa sœur Herminie, sans enfants et veuve de M. Pagé. À propos de sa sœur, elle disait : « C’est la tour de l’Hydro qui l’a fait mourir ».
Mme Coderre nous a raconté que la maison, située sur le chemin du Roy, fut jadis un lieu de relais, comme un hôtel, où les personnes qui faisaient de grands trajets en calèche tirés par des chevaux venaient s’y reposer. On installait les animaux dans la grande grange et on les nourrissait. À l’époque, un simple trajet Montréal-Trois-Rivières prenait plusieurs jours.
Elle nous a aussi raconté qu’enfant, au printemps et avant la canalisation du Saint-Laurent, le fleuve débordait et l’eau inondait la route pour se rendre jusqu’à la grange. Afin d’assister à la messe du dimanche au village, il leur fallait faire un grand détour.
Certainement, pour une personne octogénaire vivant seule, l’entretien et les sacrifices nécessaires pour conserver cette fermette furent difficiles. En 1990, on l’a trouvée morte sur sa terrasse, qu’elle était en train de balayer. Elle est aujourd’hui inhumée dans le lot familial au cimetière du village. Un passage de son testament olographe disait : « Je lègue mes biens aux personnes âgées de Lanoraie qui n’ont pas de sous pour finir leurs vieux jours ». L’exécuteur testamentaire a fait beaucoup de démarches pour que ces fonds soient gérés par des personnes honnêtes. Les intérêts du fond de ce placement sont donc destinés aux personnes âgées de Lanoraie qui sont dans le besoin.